Initiation à l'argumentation

Introduction générale

·               L’Argumentation fait partie de notre vie quotidienne. Il n’est guère de pages de journal, de séquence à la radio, ou à la télévision qui n’exposent ou ne rapportent les arguments d’un éditorialiste, d’un invité, d’un homme politique, d’un auteur, d’un critique...; les textes ou les présentations explicitement publicitaires argumentent pour justifier l’achat ou la consommation d’une marchandise ou de quelque produit culturel.

·               Chacun de nous, par ailleurs, à divers moments, en diverses circonstances, est amené à argumenter, qu’il s’agisse de plaider sa cause, de justifier sa conduite, de condamner ou de louer amis, adversaires, hommes publics ou parents, de peser le pour et le contre d’un choix ou d’une décision.

·               L’apparition d’une théorie de l’argumentation se situe à la croisée de plusieurs directions de pensée. L’intérêt pour l’argumentation n’est pas neuf. Cette discipline est étroitement liée à l’histoire de la philosophie, de la rhétorique et du discours.

·               L’Argumentation, comme toutes les sciences humaines, a ses mythes fondateurs. Dès le Ve siècle avant J.C, les sophistes l’enseignaient afin de remporter l’adhésion des auditoires les plus divers. Les avocats et les hommes politiques étaient formés par les meilleurs rhéteurs de l’époque.

I. Les différents éléments d’un texte argumentatif

·               Quels que soit la méthode ou le support de l’argumentation, elle met en présence deux thèses : l’une défendue, l’autre réfutée.

A. Le thème et la thèse :

·               Chercher le thème d’une argumentation, c’est répondre à la question «  de quoi s’agit-il dans ce texte, ou dans ce discours ? ».

·               Trouver la thèse défendue par l’auteur c’est comprendre quel avis il soutient par rapport à ce thème. Chez Montesquieu par exemple «  l’esprit des lois », il s’agit de militantisme contre l’esclavage.

·               La Thèse défendue.

·               C’est l’idée soutenue par l’argumentateur.

·               Ex. : défendre l’idée qu’internet est mieux que la télévision.

·               La Thèse réfutée

·               C’est l’idée combattue. L’argumentateur doit démontrer que cette thèse est fausse ou en partie inexacte.

·               Ex. : combattre l’idée que la télévision est moins bien qu’internet.

·               Toutes les affirmations ne sont pas des thèses. Par exemple « la baleine est un mammifère marin » n’est pas une thèse car personne ne le conteste. En revanche : « la baleine est le plus attachant des mammifères marins » est une thèse car cette affirmation est sujette à discussion.

·               Le thèse est parfois explicite : l’auteur peut, par exemple, l’écrire à la première personne et en prenant clairement position. Cependant, il arrive souvent qu’elle soit implicite et que, comme dans le texte de Montesquieu, on la comprenne à la lecture.

B. Les arguments et les exemples :

·               Les arguments sont des idées avancées pour étayer la thèse défendue.  Pour être efficaces, ils doivent être pertinents, autrement dit entretenir une relation logique avec la thèse, et valides pour l’auditoire ou le lecteur.

·               Ils peuvent être de plusieurs types : faits assurés, évidences ou avis scientifiques faisant autorité.

·               Ils sont reliés entre eux par des articulations logiques qui indiquent la cause ( « car », « en effet », etc.) la conséquence ( « ainsi », « c’est pourquoi », etc.), l’opposition ou le but (« afin », «  pour que », etc.)

·               Chaque argument est en général suivi d’un exemple qui permet de le rendre concret, en en donnant une illustration.

Lire le texte suivant et relevez le thème, la thèse, les arguments et les exemples

·         Au XXIe siècle, l’égalité entre les femmes et les hommes n’est toujours pas une réalité. Pourquoi est-il si difficile d’accorder aux femmes la même place qu’aux hommes ? Il n’y a aucune raison pour qu’une femme soit moins payée qu’un homme pour un travail égal. Or c’est bien le cas. De nos jours, en France, à même temps de travail, même secteur, même taille d’entreprise, même catégorie professionnelle… l’écart de salaire frôle les 10 % ! De la même manière, il n’est pas normal que la plupart des postes à responsabilité soient occupés par des hommes. Selon les données fournies par la Commission européenne, en France en 2017, seuls 33 % des cadres supérieurs sont des femmes. C’est plus qu’aux Pays‑Bas et en Grèce (25 %), beaucoup plus qu’au Luxembourg (18 %) mais moins qu’en Pologne et en Slovénie (41 %), qu’en Hongrie et en Suède (39 %). En tout cas, aucun pays de l’UE n’arrive à la parité dans ce domaine.

Observer

·         L’étude de textes argumentatifs occupe une place importante dans les cours de français au lycée. Cela semble tout à fait justifié, car il est essentiel de maîtriser l’argumentation avant d’entamer sa vie d’adulte. D’une part, cela permet de ne pas se laisser influencer de manière inconsciente par ceux qui maîtrisent l’argumentation, qu’ils soient hommes politiques ou publicitaires, par exemple. D’autre part, savoir argumenter permet de se faire entendre, de réaliser ses envies. Ainsi, entre deux candidats pour un poste, si les profils sont identiques, celui qui sait argumenter sera forcément favorisé.

·         a. Quel est le thème général du texte ? Reformulez‑le.

·         b. Quelle est l’opinion de l’auteur par rapport à ce thème ? Relevez la phrase qui la révèle.

·         c. Avec quels arguments l’auteur défend‑il son point de vue ?

·         d. Quels exemples donne‑t‑il pour illustrer chacun des arguments ?

·         e. Comment distinguez‑vous les arguments des exemples ?

Les types d’arguments

·               1. L’argument logique (ou pragmatique): Il repose sur une logique cause / conséquence.

·               EX: → Ce travail est moins rémunéré car il demande moins de qualifications.

·               2. L’argument de valeur: Telle idée est valable car elle est conforme à des valeurs partagées ou à l’éthique.

·               EX: → Les femmes doivent être payées comme les hommes : nous sommes tous égaux !

·               3. L’argument d’autorité: Telle idée est valable car elle vient d’une personne compétente, respectée. Il peut s’agir du locuteur lui-même.

·               EX: → Comme l’écrit Aristote, …
→ J’ai 25 ans d’expérience dans ce domaine, et je vous assure que …

·               4. L’argument ad hominem: C’est l’inverse de l’argument d’autorité : telle idée n’a pas de valeur car la personne qui la soutient n’est pas compétente.

·               EX: → M. X prétend que l’erreur est informatique. Mais M. X sait à peine envoyer un email !

P1 Mais P2 : L’argument qui précède le connecteur « mais » est toujours plus faible que celui qui le suit.

P2 est plus fort que P1.

·               a. Dans le texte suivant, quel argument la liste d’exemples illustre‑t‑elle ?

·               b. Quel est l’autre argument présent ?

·               c. Parmi ces deux arguments, lequel défend l’auteur et lequel réfute‑t‑il ? Justifiez votre réponse.

·               Pourtant, ils essaient tous désespérément d’exister et d’être reconnus, et d’être uniques, ils ont leur page personnelle sur Internet, ils y publient leurs photos, ils y expriment leurs opinions, ils y dressent la liste de leurs goûts, de leurs attentes et de leurs centres d’intérêt, comme autant de preuves tangibles de leur existence, et ils ne parviennent qu’à bâtir un temple vide dédié au culte d’un fantôme.

Jérôme Ferrari, Un dieu un animal, 2009, Actes Sud.

II. Les stratégies argumentatives

·               Démontrer, convaincre, persuader, délibérer

·               Argumenter, c’est exposer des idées en vue de défendre ou de s’opposer à une opinion. L’argumentation peut être directe lorsque l’auteur argumente personnellement et que son message est explicite, mais elle peut aussi être indirecte lorsque l’auteur exprime indirectement son point de vue.

·               La manière dont on va argumenter, que l’on appelle stratégie argumentative, se détermine en fonction de l’enjeu et du thème de l’argumentation. Il s’agit de choisir entre délibérer, convaincre ou persuader pour remporter l’adhésion de son interlocuteur.

·               Pour soutenir la thèse, les arguments sont disposés par un ordre logique qui constitue le raisonnement et permet de suivre la progression de la pensée de l’auteur.

A. Démontrer et délibérer :

·               La démonstration est une démarche scientifique qui s’appuie sur des données objectives ou des arguments irréfutables. Elle permet d’établir une vérité vérifiable par tous.

1. Les démarches déductives et inductives de la démonstration

·               Le raisonnement déductif part d’une généralité pour déduire une conclusion particulière.

·               Le raisonnement inductif procède de la démarche inverse, partant d’un fait observé pour établir une généralité : Dans « Les Misérables », Victor Hugo raconte l’histoire de Fantine, tombée dans la misère et la prostitution. Le narrateur poursuit alors : « Qu’est-ce que c’est que cette histoire de Fantine ? c’est la société achetant une esclave. A qui ? à la misère»

·               L’histoire de Fantine conduit de façon inductive à la notion générale d’esclavage féminin.

2. Délibérer :

·               Délibérer n’est pas démontrer. Délibérer c’est peser le pour et le contre d’une question pour prendre une décision fondée.

·               La délibération peut avoir lieu dans l’essai argumentatif ou dans le dialogue entre des personnages ayant à prendre une décision commune.

·               Au théâtre et dans certains romans, le monologue et le monologue intérieur peuvent être également délibératif.

·               On peut utiliser en exemple un texte délibératif célèbre de la littérature : le monologue de Rodrigue dans l’acte I scène 6 du Cid de Pierre Corneille ( 1637).

·               Dans cet extrait le personnage exprime son dilemme entre l’honneur familial et l’amour. Son père, Don Diègue, a été giflé par le père de la femme qu’il aime, Chimène. Doit-il venger son père ou s’abstenir pour l’amour de sa Chimène ?

·               […]

·               O Dieu! l’étrange peine!

·               En cet affront mon père est l’offensé,

·               Et l’offenseur le père de Chimène!

·               Que je sens de rudes combats!

·               Contre mon propre honneur mon amour s’intéresse:

·               Il faut venger un père, et perdre une maîtresse;

·               L’un m’anime le cœur, l’autre retient mon bras.

·               Des deux côtés mon mal est infini

·               O Dieu! l’étrange peine!

·               Faut-il laisser un affront impuni?

·               Faut-il punir le père de Chimène?

B. Convaincre ou persuader ?

·               Pour convaincre un auditeur, il faut l’engager à adhérer à la thèse qu’on lui propose en faisant appel à sa raison.

1. Convaincre

·               Il existe plusieurs manières d’organiser l’argumentation pour convaincre. Les arguments successifs sont parfois liés par des connecteurs logiques qui structurent le mouvement de pensée, comme «  d’abord », « ensuite », et « enfin ».

·               On peut également utiliser un raisonnement analogique, procédant par comparaison, comme Aristote le fait dans « La rhétorique ». Le philosophe écrit : «  il ne faut pas que les magistrats soient tirés au sort : c’est en effet comme si on choisissait les athlètes par le sort, non pas ceux qui ont les aptitudes pour concourir, mais ceux qu’auraient favorisés la chance ».

·               Le raisonnement peut aussi s’opérer par concession. Les arguments sont alors introduits par des connecteurs logiques qui expriment la relation concessive, comme «  même si » ou « bien que ».

2. Persuader

·               Le mot «  persuader » vient du latin « persuadere » que l’on peut traduire par «  conseiller fortement ».

·               Le locuteur qui cherche à persuader son auditeur ne fait pas appel à sa raison mais à  ses sentiments et à ses émotions.

·               Le locuteur sera donc fortement présent et cherchera avant tout la sympathie de son auditoire, en insistant sur sa propre honnêteté, et en suscitant la pitié ou l’affection.

III. Argumentation directe ou indirecte?

·               A. L’argumentation directe :

·               Un auteur argumente directement lorsqu’il argumente lui-même, personnellement, sans utiliser d’intermédiaire. Il ne fait pas passer son message à travers un récit ou une fiction. Le message est explicite. La thèse est clairement formulée. Le lecteur n’a pas besoin de déduire le message à partir d’un récit tel que le conte.

Où trouver une argumentation directe ?

·               Dans les essais car on propose une réflexion personnelle d’un auteur sur un sujet :

·               Le point de vue de l’auteur y est explicite.

·               Le point de vue exposé est personnel à l’auteur

1. L’essai

·               L’essai : un genre de l’argumentation directe

·               Il est défini comme un texte d’idées. Son but n’est pas de construire un monde fictif, qu’il soit sous forme de récit ou de pièce de théâtre, mais de développer une réflexion sur un thème d’ordre littéraire, politique, religieux, scientifique, etc.

·               La réflexion est personnelle : un « je » s’exprime, que l’auteur choisisse une énonciation à la première personne ou qu’il s’efface derrière les pronoms « nous » ou « on ».

·               Exemple célèbre : Les Essais de Montaigne (humaniste du XVIème siècle)

2. Le pamphlet :

·               c’est un texte assez court et très violent dans lequel l’auteur s’attaque au pouvoir en place ou à une position de pouvoir (personne connue, institution). L’auteur exprime son indignation et défend sa propre vérité.

3. La maxime :

·               un texte très bref (quelques lignes) qui énonce une opinion au présent de vérité générale sans réellement argumenter. La maxime peut tracer une ligne de conduite, elle a une visée moraliste.

B. L’argumentation indirecte :

·               L’auteur argumente indirectement lorsqu’il n’argumente pas personnellement mais à travers une fiction pour faire passer son message. C’est donc à travers un narrateur ou un personnage de théâtre, de conte, de fable que l’auteur transmet son message.

·               Le message est implicite, il n’est pas donné directement au lecteur. Le lecteur doit déduire le message de la fiction racontée.

Où trouver une argumentation indirecte ?

·               Dans l’apologue car l’apologue est un récit qui sert à illustrer une morale.

·               Le message de l’auteur est implicite : il faut le déduire du récit.

·               Le message de l’auteur n’est pas exprimé en son nom personnel.

1. La fable :

·               Définition : Les termes fable (du latin fabula, «parole») et apologue (du grec apologos, «discours sur quelque chose, narration») sont employés de manière synonymique. On le voit dans cette définition de La Fontaine :

·               L’apologue est composé de deux parties, dont on peut appeler l’une le Corps, l’autre l’Âme. Le Corps est la Fable ; l’Âme, la Moralité.

·               Le récit s’organise autour d’animaux, de végétaux, ou d’hommes. Il peut être lu au premier degré, mais il a un sens second, souvent à caractère moral, que le lecteur doit déchiffrer. L’apologue a donc une visée didactique.

·               On analyse le récit (ou fable proprement dite) comme un exemple argumentatif et la moralité comme la thèse.

2. Le conte philosophique

·               Le conte philosophique développe, en passant par le récit, des idées qui pourraient aussi bien faire l’objet d’un essai philosophique. Ainsi, dans Candide, Voltaire se moque du philosophe Leibniz et de sa conception de l’optimisme.

3. L’Utopie

·               L’utopie est un genre qui suit des règles précises. Le récit se déroule dans un lieu clos. Cette clôture permet de mettre en scène un monde isolé, autonome qui, privé du contact avec notre monde, a développé sa propre organisation, ses propres valeurs et ses propres règles.

·               Le monde de l’utopie inverse nos règles et nos valeurs pour mieux en démontrer l’inanité. Sa fonction est avant tout critique. Elle permet une réflexion philosophique et politique.

·               Ex: L’île des esclaves de Marivaux,

IV. Les registres du texte argumentatif.

·               Même si l’apologue a une finalité didactique, la critique est possible à travers différents registres comme le registre polémique, comique et satirique.

le registre polémique

·               Du grec «polemos», signifiant «combat», le registre polémique est synonyme de violence verbale entre deux interlocuteurs. Le texte polémique comporte une ponctuation expressive avec notamment des exclamations, des interjections et des interrogations

·               L’auteur ou le narrateur d’un texte polémique attaque ouvertement un personnage, une institution, une idée.

Le registre comique:

·               C’est aussi un moyen efficace pour critiquer. Il peut se décliner en plusieurs constantes : l’humour, l’absurde, l’ironie.

·               1. L’humour:

·               consiste à traiter de manière légère un événement tragique: dans le chapitre VI de Candide, consacré à l’autodafé, l’horreur est présentée avec légèreté.

·               2. L’absurde:

·               il permet de confronter deux éléments qui n’ont rien en commun. Dans le même chapitre de Candide, Pangloss est accusé d’avoir parlé, il est pendu; Candide est accusé d’avoir écouté avec un «air d’approbation», il est fessé.

·               3. L’ironie:

·               elle consiste à dire le contraire de ce que l’on pense. Par exemple, pour désigner la réalité de l’emprisonnement, Voltaire passe par l’euphémisme «des appartements d’une extrême fraîcheur, dans lesquels on n’était jamais incommodé du soleil».

·               L’humour, l’ironie et l’absurde divertissent le lecteur et captent ainsi plus facilement son attention qu’un discours théorique.

Le registre satirique:

·               Il permet de dénoncer des situations en les ridiculisant. Il permet de faire réagir le lecteur grâce notamment à l’ironie et par l’exagération de certains traits.

Conclusion

·               L’objectif de la littérature argumentative, que ce soit de manière explicite à travers une démonstration pure ou par le biais du divertissement, est de remettre en question les acquis d’une société en mutation, de corriger les travers des peuples et d’envisager pour eux un monde meilleur.


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Les Figures de style

Les Figures de style ·                Une figure de style est une manière de s’exprimer qui s’écarte de la norme pour donner plus de f...